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Décret  no 92-1247 du 2 décembre 1992 instituant un comité consultatif pour la révision de la Constitution 
NOR : JUSX9200232D
  Le Président de la République,   Sur le rapport du Premier ministre et du garde des sceaux, ministre de la  justice,   Vu les lettres du Président de la République au président du Sénat, au  président de l'Assemblée nationale et au président du Conseil constitutionnel  en date du 30 novembre 1992;   Le conseil des ministres entendu,  
      Décrète:  
  Art. 1er. - Il est institué un comité consultatif pour la révision de la  Constitution composé de seize membres nommés par décret en conseil des  ministres et choisis parmi les magistrats des ordres administratif et  judiciaire, les professeurs d'université et les personnalités qualifiées.   Le président et le rapporteur général du comité sont nommés parmi ses  membres dans les mêmes conditions.  
  Art. 2. - Ce comité est chargé de donner un avis sur les propositions de  révision de la Constitution que le Président de la République a rendues  publiques le 30 novembre 1992, annexées au présent décret, et de formuler  toutes les recommandations qu'il jugera utiles pour adapter les institutions  de la Ve République.   Le comité remettra son rapport au Président de la République et au Premier  ministre le 15 février 1993 au plus tard.  
  Art. 3. - Le comité peut entendre ou consulter toute personne de son choix.  
  Art. 4. - Les membres du comité sont tenus au secret de leurs délibérations.  
  Art. 5. - Le secrétariat du comité et les moyens nécessaires à son  fonctionnement sont mis à sa disposition par le secrétariat général du  Gouvernement.  
  Art. 6. - Le Premier ministre et le garde des sceaux, ministre de la  justice, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du  présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République  française.  
  Fait à Paris, le 2 décembre 1992. 
                                                        FRANCOIS MITTERRAND                                            Par le Président de la République:    Le Premier ministre,  PIERRE BEREGOVOY                                  Le garde des sceaux, ministre de la justice,                                                               MICHEL VAUZELLE
                                   ANNEXES       Lettre adressée, le 30 novembre 1992,                                      par     Monsieur le Président de la République                                      à :     Monsieur René Monory, président du Sénat,     Monsieur Henri Emmanuelli, président de l'Assemblée nationale,    Monsieur Robert Badinter, président du Conseil constitutionnel.        <<Monsieur le Président,    J'ai l'honneur de vous adresser le texte des propositions de révision de la  Constitution que j'entends soumettre à l'examen d'un comité consultatif  composé de personnalités dont la liste sera arrêtée en conseil des ministres.   Conformément aux engagements que j'ai pris l'année dernière, ces  propositions ont pour objet d'assurer un meilleur équilibre des pouvoirs,  d'améliorer les garanties de l'indépendance des magistrats et de renforcer  les droits des citoyens en leur permettant d'accéder au Conseil  constitutionnel et en élargissant le champ du référendum. Il appartiendra au  comité consultatif de me faire, en ces domaines, les recommandations qu'il  jugera utiles. Je lui demande aussi ses propositions sur la suppression des  dispositions qui lui paraîtront aujourd'hui obsolètes, au regard de  l'évolution de nos institutions.   Au vu des conclusions du comité qui devront me parvenir au plus tard le 15  février, je saisirai le Parlement d'un projet de loi portant révision de la  Constitution.   Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, les assurances de ma haute  considération.                                                       FRANCOIS MITTERRAND>>                     Propositions de réforme de la Constitution    La France, sous la IVe République, régime d'Assemblée, a gravement souffert  de la précarité de ses gouvernements. Par réaction, la Ve République a  multiplié les garanties capables d'assurer l'autorité et la stabilité de  l'exécutif. Mais elle n'a pu le faire qu'en réduisant à l'excès le rôle du  Parlement. Une réforme de nos institutions doit donc corriger ce nouveau  déséquilibre entre les pouvoirs.   A cette fin j'examinerai tour à tour les compétences du Président de la  République, du Gouvernement et du Parlement.   Le Président de la République:   On ne reviendra pas sur l'élection du Président au suffrage universel. Elle  est entrée dans nos moeurs et tout montre que le peuple français qui l'a  décidée par référendum y est plus que jamais attaché. Certaines imprécisions  du texte constitutionnel de 1958 entraînent cependant de regrettables  confusions. Ce sont celles qui ont trait aux rôles respectifs du Président et  du Gouvernement dans la détermination de la politique de la Nation et dans la  conduite de la défense. Il sera utile de réécrire les articles qui traitent  de ces matières. A cet égard, je tiens à préciser, à l'encontre de l'idée  reçue, qu'il n'y a pas, qu'il ne doit pas y avoir de domaine réservé,  expression employée lors de circonstances propres à la guerre d'Algérie et  qui n'a aucune réalité constitutionnelle. Sans doute le Président de la  République tient-il de la Constitution la prééminence dès lors qu'il s'agit  des grands intérêts nationaux, au premier rang desquels la défense et les  affaires étrangères. Il demeure que notre régime est un régime parlementaire  où le contrôle du Parlement doit s'exercer pleinement.   Le débat d'actualité, ouvert dans l'opinion publique, porte, on le sait, sur  la durée du mandat présidentiel. La Constitution a fixé celui-ci à sept ans  et autorise son renouvellement. Dans ce dernier cas, beaucoup pensent que  quatorze années, c'est trop. M. Pompidou avait fait adopter par les  Assemblées le mandat à cinq ans renouvelable une fois. Mais il n'a pas poussé  la procédure à son terme, c'est-à-dire jusqu'au vote du Congrès. De  nombreuses initiatives ont repris ce projet. Diverses personnalités préfèrent  un mandat de sept ans non renouvelable et certaines d'entre elles suggèrent  six ans renouvelables une fois. Ma préférence va à un mandat d'une durée plus  longue que celle d'un député et au moins aussi longue que celle d'un maire ou  d'un conseiller général. N'oublions pas que le Président de la République a,  en raison de l'article 5, un pouvoir d'arbitrage et qu'il n'est pas lié aux  changements de majorité parlementaire. Tout autre serait la logique d'un  régime présidentiel de type américain. J'ai moi-même écrit, en 1988, que je  laisserais le soin au Parlement et aux grandes formations politiques de  déterminer, par un accord aussi large que possible, la durée désirable.    Le référendum:   Je souhaite que les citoyens, pour rendre plus vivante et plus proche notre  démocratie, participent directement aux grands débats et aux grandes  décisions qui engagent l'avenir de nos institutions et de nos libertés.   J'ai soumis au Parlement, en juillet 1984, un projet aménageant l'article 11  de la Constitution afin d'étendre le domaine du référendum aux garanties  fondamentales des libertés publiques.   Je ne vois que des avantages à ce que ce projet soit repris dans la forme  adoptée en dernier examen par l'Assemblée nationale avec le complément  suivant: le Conseil constitutionnel donnerait publiquement son avis avant la  consultation sur la conformité du projet de loi à la Constitution, aux lois  organiques, à nos engagements internationaux et aux grands principes qui  fondent nos libertés reconnues par les lois de la République.   Rapports entre le Gouvernement et le Parlement:   Pour que le Parlement exerce la plénitude de ses pouvoirs, il me paraît  nécessaire que soient prises, notamment, les dispositions ci-après:   1. Ouvrir aux parlementaires, à chaque session, l'ordre du jour prioritaire  à un nombre donné de propositions de loi sur une liste établie par accord  entre les groupes.   2. Etendre le domaine de la loi prévu à l'article 34 de la Constitution pour  permettre au Parlement de se prononcer sur le budget social de la Nation et  lui donner toute compétence sur le taux des cotisations et le montant des  prestations des régimes de sécurité sociale.   3. Limiter l'application de l'article 49, alinéa 3, aux lois de finances et  à un petit nombre de textes par session.   4. Accélérer la procédure législative en autorisant les commissions des  assemblées à voter définitivement des textes législatifs, sauf si le  Gouvernement ou un certain nombre de membres de la commission (un cinquième  par exemple) demandent que le texte soit soumis à l'assemblée plénière.   5. Déclarer caduques les ordonnances de l'article 38 qui n'auraient pas été  ratifiées par le Parlement dans l'année suivant leur dépôt devant les  assemblées.   6. Assurer un contrôle plus étroit de l'activité gouvernementale en  chargeant chacune des commissions permanentes de chaque assemblée (art. 43 de  la Constitution) de préparer un rapport d'ensemble sur l'activité des  ministères pendant les deux années précédentes. Ces rapports donneraient lieu  à discussions publiques.    Porter de six à sept dans chaque Assemblée le nombre des commissions  permanentes afin que l'une d'entre elles se consacre au suivi des affaires  européennes.   Introduire dans la Constitution la création des commissions d'enquête et de  contrôle alors qu'elles ne sont prévues que par une loi ordinaire.   7. S'interroger sur le régime de la suppléance (deuxième alinéa de l'article  25 de la Constitution) pour savoir s'il convient de permettre aux membres du  Gouvernement de retrouver, ou non, automatiquement leur siège de député ou de  sénateur à la fin de leurs fonctions ministérielles.   La saisine du Conseil constitutionnel par les citoyens:   Rien ne devrait désormais empêcher d'achever l'examen du projet de révision  que j'ai adressé au Parlement en 1990 pour permettre aux citoyens de saisir  le Conseil constitutionnel s'ils estiment qu'une loi promulguée est contraire  à leur liberté. Ce projet a été utilement complété par l'Assemblée nationale.  Il suffirait de le reprendre tel quel.   Conseil supérieur de la magistrature:   La Constitution a confié à l'autorité judiciaire la haute mission de  protéger la liberté individuelle. De son indépendance, le Président de la  République est le garant, assisté dans cette fonction par le Conseil  supérieur de la magistrature. Je me suis fait une règle de toujours suivre  ses avis. Le moment est venu de faire un pas de plus. La composition du  Conseil pourrait être modifiée. Aux côtés de magistrats élus par leurs pairs,  siègeraient des personnalités choisies par les plus hautes autorités de la  République: le Président de la République, le président du Sénat, le  président de l'Assemblée nationale, à qui s'ajouteraient le Conseil  constitutionnel et le Conseil d'Etat.   Une telle instance, par son pluralisme d'origine, témoignerait de sa totale  indépendance. Ses pouvoirs seraient également accrus: il lui appartiendrait  de décider de toutes les nominations des magistrats du siège. Seuls pour  marquer l'éminence de leurs fonctions, le premier président et les présidents  de chambre de la Cour de cassation, ainsi que les premiers présidents des  cours d'appel seraient nommés par le Président de la République sur les  propositions du Conseil supérieur. Le conseil ainsi renouvelé assurerait,  comme aujourd'hui, la discipline des magistrats du siège.   La Haute Cour:   La Haute Cour, juridiction politique, ne doit subsister que pour le crime de  haute trahison commis par le Président de la République et les crimes contre  la sûreté de l'Etat commis par les ministres.    Tous les autres crimes ou délits commis par les ministres dans l'exercice  de leurs fonctions relèveraient soit des juridictions de droit commun, soit  d'une instance juridictionnelle conciliant les principes judiciaires et la  séparation des pouvoirs.   Pour que cette instance juridictionnelle assure aux ministres les garanties  nécessaires à un procès équitable, on pourrait admettre les règles suivantes:   A. - Ne pas soumettre l'ouverture des poursuites à une décision préalable  des assemblées. Ce serait ouvrir la voie à la possibilité, pour une majorité  politique, de protéger les siens et de poursuivre ses adversaires même s'ils  sont innocents.   B. - Interdire qu'à la faveur des plaintes avec constitution de partie  civile les ministres soient constamment exposés à devoir se justifier devant  les juges de leur activité ministérielle. Ce serait transformer la  responsabilité politique en responsabilité pénale et entraver l'action du  Gouvernement.   Toute plainte contre un ministre devrait donc être soumise au contrôle  préalable d'une instance chargée de vérifier la recevabilité et le caractère  sérieux de la plainte.   C. - Donner à l'instruction toute sa valeur aux yeux de l'opinion publique  en la confiant, comme aujourd'hui, à la chambre d'instruction composée de  magistrats de la Cour de cassation.   D. - Eviter, quant à l'instance de jugement, le risque d'une justice  considérée comme politique parce que rendue exclusivement par des  parlementaires; et celui d'une justice rendue exclusivement par des  magistrats qui, aussi compétents seraient-ils, constitueraient une instance  contraire au principe de la séparation des pouvoirs.   Ainsi pourrait-on composer cette juridiction à la fois de parlementaires et  de hauts magistrats, par exemple huit parlementaires (quatre par assemblée)  et quatre membres de la Cour de cassation. Le premier président de cette cour  présiderait la juridiction.   Le Conseil économique et social:   Le Conseil économique et social a exprimé le désir d'être distingué des  comités régionaux. Je suggère de retenir le nom de <<Conseil économique et  social de la République>>.   Ce conseil pourrait être saisi de demandes d'avis par leParlement. On  modifierait l'article 70 de la Constitution en ce sens.   L'actualisation des institutions:   1. On peut se demander s'il ne faut pas intégrer dans la Constitution des  institutions qui n'existaient pas en 1958 et qui ont pour mission de  préserver les libertés et les droits individuels: médiateur, Commission  nationale de l'informatique et des libertés, Conseil supérieur de  l'audiovisuel, etc.   2. De même, les principes de la décentralisation mise en oeuvre depuis 1982  pourraient conduire à retoucher les articles 72 et suivants de la  Constitution afin:   a) D'ajouter les régions et les collectivités à statut particulier à la  liste des collectivités territoriales;   b) D'affirmer qu'il n'y a pas de libre administration sans que les  assemblées locales lèvent l'impôt;   c) D'examiner si l'assemblée unique est compatible ou non avec le statut de  département d'outre-mer.   3. Le titre de la Constitution ainsi que ses articles 1er, 5, 11, 70, 76 à  88 et 90 à 92 seraient modifiés ou abrogés pour tenir compte de la  disparition de la Communauté et des dispositions transitoires devenues sans  objet.   L'article 16:   J'invite le Comité consultatif à s'interroger sur les modalités  d'organisation des pouvoirs publics en cas de crise grave.    Paris, le 30 novembre 1992.                                                         FRANCOIS MITTERRAND